Déclaration conjointe des OSC et des ONG- 24 Octobre 2018
Les signataires de cette Déclaration sont profondément préoccupés par les récentes attaques contre l’indépendance de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et des conséquences désastreuses qu’elles ont pour les droits de l’homme sur le continent. Au cours des trente dernières annéessuivant sa création, la CADHP a attiré l’attention sur les violations des droits de l’homme à travers le continent, et a fourni réparation et recours à ceux qui en ont été victimes. Parmi les succès remarquables, citons: l’instruction au Gouvernement nigérian à verser des indemnités au peuple Ogoni qui a subi une série de violations de ses droits en raison de l’extractivisme pétrolier et de la dégradation de l’environnement; provision des réparations aux femmes qui ont subi des violences sexuelles lors de manifestations publiques en Égypte et empêchement de l’exécution de celles qui n’ont pas bénéficié d’un procès équitable; et la reconnaissance du droit au développement, ainsi que l’interprétation du seul traité international des droits de l’homme qui reconnaît les droits des terres auxpeuples autochtones, au Kenya.
La CADHP a également établi des normes progressistes des droits de l’homme sur une série d’autres questions «controversées» – de l’avortement à l’orientation sexuelle et à l’identité ainsi qu’à l’expression du genre. Ce n’est pas un secret, ni une surprise, que les Décisions prises par la CADHP n’ont pas toujours reçu le plein soutien des États membres.
Au fil des années, la CADHP a été soumise à diverses menaces qui ont tenté de saboter sa crédibilité et son indépendance par les États parties etpar l’Union africaine dans son ensemble. Ces tentatives pour saboter et restreindre le travail de la CADHP reflètent des attaques similaires contre le système mondial des droits de l’homme dans un monde de plus en plus caractérisé par des Gouvernements autocratiques et populistes. C’est aussi une illustration du fait que les dirigeants ne veulent pas être tenus responsables des violations des droits de l’homme et du manque de réparation au niveau national de ces violations qui se produisent sous leur surveillance. La récente Décision du Conseil exécutif de l’Union africaine en est un autre exemple clair.
Une indépendance «fonctionnelle»?
La Décision prescrit une nouvelle interprétation de l’indépendance de la CADHP, décrite comme étant de nature «fonctionnelle». La Décision précise, en outre, que la CADHP n’est pas indépendante des organes qui l’ont créée. La Décision est incorrecte à cet égard. La CADHP est créée par la Charte africaine et non par les Organes de l’UA et tire également son pouvoir et son mandat de cette Charte. Les systèmes de protection des droits de l’homme qui ont été établis après 1948 ont été conçus pour avoir des mécanismes et des procédures judiciaires ou quasi-judiciaires précisément pour protéger les individus du pouvoir incontrôlé des États-nations. Les principes juridiques existants confirment que la CADHP, en tant qu’organe quasi judiciaire, se caractérise par trois types d’indépendance: l’indépendance fonctionnelle, institutionnelle et financière.
Les commissaires élus au secrétariat de la CADHP devraient fonctionner à titre individuel pour promouvoir, protéger et enquêter objectivement sur les violations des droits de l’homme de tous les États africains. La CADHP ne peut pas s’acquitter de son mandat si, comme indiqué par les Décisions du Conseil exécutif, sa première responsabilité incombe aux États membres de l’UA, au lieu de défendre les droits humains des personnes mêmes pour lesquelles elle a été créée.
Violations des droits humains; États responsables
Le Conseil exécutif s’est également déclaré préoccupé par le fait que la CADHP agissait en tant qu’organe d’appel et que cela viole les systèmes juridiques nationaux. Cet argument fait écho aux défenses avancées par les États qui ne souhaitent pas se conformer aux normes et standards internationaux relatifs aux droits humains sous prétexte que celles-ci portent atteinte à la «souveraineté nationale». Cette position est en contradiction avec l’un des principaux objectifs de la CADHP: fournir des recours lorsque les systèmes juridiques nationaux ne parviennent pas à fournir des recours appropriés aux victimes de violations des droits de l’homme.
La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples exige que les individus épuisent les voies de recours disponibles au niveau national avant de s’adresser à la CADHP. Certains systèmes de justice «régionaux» destinés à combler le fossé entre les systèmes continentaux et nationaux sont inaccessibles et inefficaces. Alors que la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples détient un mandat complémentaire de la CADHP, seuls 8 des 53 États membres de l’UA ont accepté sa compétence. En demandant aux États de retirer le pouvoir de la CADHP d’interpréter la Charte africaine, le Conseil exécutif tente effectivement de restreindre l’accès à la justice pour les citoyens des 45 autres pays, conduisant à l’impunité.
Réduire l’espace de la société civile.
La Décision de l’UA signale également des restrictions et des obstacles croissants à la participation des organisations de la Société civile à la CADHP. La décision exige que la CADHP révise les critères d’octroi et de retrait du statut d’observateur des ONG, afin de les aligner sur les critères existants utilisés par l’UA pour l’accréditation des ONG. En outre, la Décision exige que les critères révisés prennent en compte les valeurs et traditions africaines. Suite à ces directives, la Décision exige également que la CADHP retire l’accréditation de la Coalition des Lesbiennes africaines en tant qu’ONG avec statut d’observateur.
La Décision à cet égard a un impact direct sur toutes les organisations de la société civile qui sont actuellement accréditées par la CADHP et sur toutes celles qui pourraient demander une accréditation à l’avenir, car les critères d’accréditation de l’UA sont lourds et beaucoup trop onéreux pour les ONG. Cela menace la participation de toutes les 517 ONG qui ont actuellement le statut d’observateur et se préoccupent de faire progresser et de défendre les droits de l’homme sur le continent. De plus, la Décision manque de force juridique: la Charte africaine donne expressément à la CADHP le pouvoir d’établir ses propres règles pour régir ses travaux, et la CADHP a fixé ses propres critères d’accréditation et de retrait du statut d’observateur aux ONG.
En outre, nous devons également souligner qu’en imposant sa lecture conservatrice des principes des «valeurs africaines» de la Charte, le Conseil exécutif conduit la CADHP à ne pas respecter les normes établies en matière de droits de l’homme. Les valeurs traditionnelles ont souvent été utilisées sur le continent pour attaquer ou saper les droits des femmes, et cette interprétation de la Charte constitue une menace pour le travail et les gains que le mouvement des droits des femmes a pu réaliser à la CADHP.
Le retrait du statut d’observateur de la CAL auprès de la CADHP – signe que la CADHP a perdu son indépendance, du fait que la seule motivation fournie était la Décision du Conseil exécutif – n’est pas seulement l’expression d’une réaction homophobe et misogyne. Ce retrait est utilisé par les États membres de l’UA comme un bouc émissaire facile pour limiter potentiellement la participation de la Société civile aux mécanismes des droits de l’homme sur le continent.
Impunité et responsabilité
Pendant que cette Décision a été prise il y a plus de deux mois, le manque d’informations sur les systèmes africains des droits de l’homme a permis d’échapper plus facilement à l’attention du public. Les États africains ont démontré à maintes reprises leur volonté de violer les droits de l’homme en toute impunité, par: des retraits ou des menaces de retrait de la Cour pénale internationale; la fermeture du tribunal de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC); et les tentatives en cours pour saper et affaiblir les institutions judiciaires nationales.
Je soutiens une ACHPR #Independent!
Nous vous demandons de soutenir notre campagne pour l’indépendance de la CADHP en:
- Suivant notre campagne pour voir comment vous pouvez soutenir. Prenez contact avec nous! Pour plus d’informations, veuillez contacter: amanda@cal.org.za.
- Condamnant publiquement ces tentatives du Conseil exécutif d’étouffer les idéaux fondamentaux de notre existence même, tels que l’égalité, la non-discrimination, la participation et la représentation.
- Demandant à vos représentants étatiques de remettre sur la table un discours sur les droits de l’homme et des institutions fortes et indépendantes, pour construire l’Afrique que nous voulons;
- Signant la déclaration pour présenter un front uni d’OSC et d’ONG qui s’organisent pour protéger et préserver une CADHP indépendante.
Nous appelons la CADHP à résister aux interférences et aux attaques des organes politiques de l’UA, et à maintenir son indépendance.
Nous appelons les États à s’exprimer et à contrer la propagande anti-droits de l’homme et le démantèlement du système africain des droits de l’homme. Nous appelons les États à résister aux efforts des régimes tyranniques et dictatoriaux pour exporter l’oppression vers le seul organe qui reste accessible et qui a donné de l’espoir aux Africains au fil des ans.
Nous avons besoin de vous pour nous aider à mobiliser tous les Africains pour sauver la CADHP.
Signataires
- Coalition of African Lesbians (CAL)
- Initiative for Strategic Litigation in Africa (ISLA)
- African Men for Sexual Health and Rights (AMSHeR)
- Synergía – Initiative for Human Rights
- HOLAAfrica
- Gay and Lesbian Memory in Action (GALA)
- One in Nine Campaign
- Africans Rising for Justice, Peace &; Dignity: Coumba Toure; Muhammed Lamin Saidykhan, Coordinators
- CREA
- Human Rights Institute of South Africa (HURISA)
- Queer African Youth Network (QAYN)
- CHAPTER FOUR
- African Sex Workers Alliance (ASWA)
- Foundation for Human Rights
- Center for Human Rights, University of Pretoria
- International Labour, Research Information Group (ILRIG)
- Trust for Indigenous Culture and Health
- Association for Women’s Rights in Development (AWID)
- Human Rights Implementation Centre at the University of Bristol
- Initiative for Social and Economic Rights
- Center for Reproductive Rights
- Southern Africa Litigation Center (SALC)
- AIDS Rights Alliance for Southern Africa (ARASA)
- International Bar Association’s Human Rights Institute
- Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights
- Advocates for Community Alternatives
- Kenya Legal and Ethical Issues Network (KELIN)
- Women’s Health and Equal Rights Initiative
- Just Associates (JASS)
- World Organisation Against Torture (OMCT)
- Freedom and Roam Uganda (FARUG)
- Coalition for Grassroots Human Rights Defenders Kenya (CGHRD Kenya)
- Secularism Is A Women’s Issue
- The Global Interfaith Network
- Iranti
- Front Line Defenders
- Amnesty International
- Women’s Leadership Center
- ITUC Africa
- The International Service for Human Rights (ISHR)
- Vision Springs Initiative
- Tanzania Network of Women living with HIV and AIDS
- Pan Africa ILGA
- Success Capital Organisation
- Gay and Lesbian Network
- Human Rights Awareness Promotion Forum (HRAPF)
- Mouvement pour les libertés individuelles
- Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme
- OTRANS Reinas de la Noche (OTRANS-RN), Guatemala
- REDTRANS-GT, Guatemala
- Colombia Diversa, Colombia
- Taller de Comunicación Mujer, Ecuador
- Guyana’s Society Against Sexual Orientation Discrimination (SASOD Guyana), Guyana
- Centro de Promoción y Defensa de los Derechos Sexuales y Reproductivos (PROMSEX), Peru
- Letra S, Sida, Cultura y Vida Cotidiana, A.C., Mexico
- Aireana Grupo por los Derechos de las Lesbianas, Paraguay
- Rede Afro LGBT – Brazil
- Liga Brasileira de Lesbicas (LBL), Brazil
- Womantra, Trinindad and Tobago
- Alliance for Justice and Diversity, Trinidad and Tobago
- Fundación Arcoíris por el Respeto a la Diversidad Sexual A.C., México
- MUJERES LIBRES COLEM, AC
- Comisión Colombiana de Juristas, Colombia
- United Belize Advocacy Movement (UNIBAM), Belize
- United & Strong Inc., Saint Lucia
- Colectiva Mujer y Salud, The Dominican Republic
- The Canadian HIV/AIDs Legal Network, Canada
- Eastern Caribbean Alliance for Diversity and Equality (ECADE), Eastern Caribbean region
- Women’s Way, Suriame
- Venezuela Diversa A.C., Venezuela
- Centro de Derechos Humanos de la Montaña “Tlachinollan”, Mexico
- Asociación para una Vida Mejor, Honduras
- Comisión Ecuménica de Derechos Humanos (CEDHU), Ecuador
- Conectas Human Rights, Brazil
- Asociación Pro Derechos Humanos (APRODEH), Peru
- Organización Paz y Esperanza, Peru
- Centro de Políticas Públicas y Derechos Humanos – Perú EQUIDAD, Peru
- Centro por la Justicia y el Derecho Internacional, CEJIL, Regional (Americas)
- Colectivo de Abogados “José Alvear Restrepo” – Cajar, Colombia
- Unidad de Protección a Defensoras y Defensores de Derechos Humanos – UDEFEGUA,
- Guatemala
- Fundación Myrna Mack, Guatemala
- Acción Solidaria, Venezuela
- CIVILIS Derechos Humanos, Venezuela
- Ágora Espacio Civil Paraguay, Paraguay
Signataires
- Accountability International
- Action for Community Transformation – Malawi
- African Centre for Justice and Peace Studies
- African Men for Sexual Health and Rights
- AIDS and Rights Alliance for Southern Africa
- CIVICUS
- Coalition of African Lesbians
- Commission Indépendante des Droits de l’Homme
- Committee for Justice (CFJ)
- DefendDefenders (East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project)
- FEMNET
- Gay and Lesbian Coalition of Kenya
- Human Rights Institute of South Africa
- Institute for Human Rights and Development in Africa
- International-Lawyers.Org
- Iranti
- Lawyers for Human Rights Swaziland
- Pan African Human Rights Defenders Network
- Queer Youth Uganda
- Sonke Gender Justice
- Southern African Litigation Center
- Synergía – Initiatives for Human Rights
- West African Human Rights Defenders’ Network
- World Coalition Against the Death Penalty
